dimanche 17 octobre 2010

Parfum de lavande....

Ma grand-mère paternelle était un personnage unique et haut en couleur. Méprisant la laideur et la médiocrité, elle dissertait sans fin sur son sujet de prédilection «ma vie, mon œuvre, et mes aventures au milieu de la grande histoire» avec le talent d’une Régine Deforges qui nous laissait stupéfaits, agacés, et la bouche ouverte.
Quand je lui reprochais sa franche tendance à l’exagération qui faisait d’elle dans ses récits une Scarlett O'hara traversant le siècle successivement aux cotés de Daladier, De Gaulle, voire même les séduisants officiers allemands («eux au moins ils étaient beaux !»), elle me répondait que sans mensonges et sans exagération la vie aurait été bien triste……..
Son culot était désarmant……
La vie des autres ne l’intéressait pas et elle n’y accordait que le temps nécessaire qui lui permettait d’embrayer sur la sienne.
J’aimais, malgré tout, cette grand-mère avec laquelle je n’ai pas le souvenir de moment de tendresse ou de chaleur partagée. Je savais l’affection qu’elle avait pour moi (assez liée à notre ressemblance physique), mais elle ne la manifestait que rarement et était plus encline aux remarques acerbes et aux critiques, qu’aux élans du cœur.
Cette grand-mère avait cependant un don, elle faisait de merveilleuses aquarelles, d’autant plus merveilleuses à mes yeux qu’elle reproduisait les paysages du Diois que j’aime tant. Il me semblait en regardant ses dessins que tout l’amour, toute la chaleur dont elle me semblait totalement dépourvue se manifestait alors sous ses pinceaux.
Je reconnaissais dans les champs de lavandes, les sommets de la Drôme, les meules de foin dispersées, mon propre regard amoureux sur ces paysages, et l’émotion semblait la même que la mienne, comme si elle avait su figer mes sentiments avec ces couleurs chaudes.
J’enviais ce don que je ne possédais pas et au cours des vacances passées à ses cotés j’aimais m’asseoir à coté d’elle dans l’herbe et la regarder, une casquette vissée sur la tête, assise dans son pliant inconfortable qu’elle emportait partout, penchée sur sa feuille face à nos montagnes, ses pinceaux courant sur le papier et matérialisant ces paysages que j’avais sous les yeux.
Un après midi où je l’accompagnais avec une petite copine du village (je devais avoir 10 ans) elle nous avait proposé de dessiner avec elle et nous nous étions installées toutes les 3 au sommet d’une colline face à des rangées de lavande.
Jubilante j’avais voulu imiter les gestes cent fois observés. Le crayon léger j’avais jeté ça et là des lignes entortillées figurant les lavandes, crayonné plus ou moins du relief au loin, et j’avais jeté un regard condescendant sur le dessin de ma camarade, appliquée, reproduisant scrupuleusement ce qu’elle avait sous les yeux.
Enivrée par ce souffle de créativité qui me donnait des ailes, loin cependant du résultat que j’espérais, j’étais très satisfaite de moi et avait tendu avec fierté mon dessin à ma grand mère persuadée qu’elle y reconnaîtrait ses gènes et un avenir artistique prometteur.
Elle n’y avait vu que du gribouillis et m’avait fermement encouragé à tout recommencer et à m’appliquer en prenant exemple sur ma camarade. J’avais intuitivement compris que le monde n’était pas encore prêt à me comprendre…………et rangé mes crayons.
Hier après midi ces souvenirs me sont revenus, alors que du même élan enfantin j’appliquais mes couleurs sur une aquarelle recopiée sur le net. Les avis très partagés de mes amis proches (ma Môman a cependant trouvé mon œuvre sublime….), m’ont fait sourire et m’ont ramené à cette époque et dans ce champ de lavande où perplexe je ne comprenais pas qu’au milieu du fouillis de la feuille ma grand-mère n’avait pas su voir tout ce qui me sautait aux yeux.
Le monde n’est visiblement toujours pas prêt………

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